750 grammes
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4 avril 2011 1 04 /04 /avril /2011 16:17

La maison mère 1

On prend quelquefois prétexte d’un restaurant pour se réconcilier avec certains souvenirs, pour en réactiver d’autres ou bien les enterrer définitivement. De l’âme en passant par le cœur, notre pensée est tellement tendue vers une seule direction que notre repas devient anecdotique, la cuisine ne jouant plus qu’un rôle secondaire.

C’est qu’on soupçonne à peine le poids que pèse un restaurant, un café, un hôtel dans notre existence, leur part de responsabilité dans nos choix, nos comportements, nos rencontres, bref, comme ils nous façonnent et ont une part dans ce que nous sommes. Ainsi, la rue Navarrin et son Hôtel Amour m’étaient interdite depuis que des souvenirs proches du tendre, ayant élu domicile dans la région du cœur, m’en tenaient à distance, me poussant même à prendre cette précaution, chaque fois que je descendais la rue des Martyrs, de fouler le trottoir de gauche plutôt que de me risquer à croiser la rue injustement incriminée.

La récente ouverture de La Maison Mère et le tapage médiatique qui l’accompagnait fut pour moi l’occasion de rompre cette malédiction dont j’étais seul responsable. J’étais au parfum de ces propositions mi-bistrotière mi-yankee qui se reflétaient jusque dans cette déco plus ou moins prévisible - carrelage et carreaux de faïence blanc, mobilier vintage (mention spéciale pour les chaises), sets de table en papier de boucherie, soit une perche tendue au viandard que je suis qui après avoir longtemps hésité entre le T-Bone de veau et le tartare charolais au couteau se décida finalement pour le Black Label burger (20 €) avec sa basse côte Black Angus et coupé au couteau s’il vous plait. Question Black Angus, il n’y avait pas l’ombre d’une erreur sur la marchandise.

La maison mère 2

On retrouvait bien ces arômes puissant propres à cette viande et surtout ces notes persillées caractéristiques après lesquelles courent les amateurs. Ajoutez à cela une cuisson excellente et vous teniez là (ce qui fut mon cas), une pièce de pur délice. Hélas, alors que je sentais le burger se hisser vers des sommets, je fus stoppé net dans mon élan par la fébrilité des composantes secondaires mais pas que (bun, frites) qui ne rendaient qu’un son creux. Les frites, trop sèches, le bun également puisque rien pour l‘accompagner si ce n’était une compotée d’oignons rouges qui ne compensait pas la maigreur de la viande, celle-ci exigeant d’être nourrie et trop généreuse pour être mangée toute seule dans son coin. La salade de mesclun à l’huile de noix était la bienvenue mais ne sauvait pas ce burger sans panache, fade, qui s’il avait le mérite de ne pas rester pas sur l’estomac, ne me laissa pas un souvenir impérissable. Le résultat n’était pas honteux, loin s’en faut, mais un peu décevant, à la réflexion.

 

 

La Maison Mère

4 rue de Navarin

75009 Paris

Tel: 01 42 81 11 00

 

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2 avril 2011 6 02 /04 /avril /2011 10:30

Pantruche 1

L’excellence, la perfection m’ont toujours intimidé, voir glacé. On ne demande qu’à être satisfait et on l’est trop. On se demande alors ce qui est pire: la déception ou l’excès de plaisir. Nul n’ignore que trop d’amour tue l’amour. La gastronomie ne réagit pas autrement qui se satisfait à moins. La cuisine de Pantruche serait un homme, on se la représenterait pieds et poings liés, ficelée comme ces modèles d’Araki qui trouvent néanmoins un espace de liberté dans leur contrainte, dans l‘entrelacement et la fusion de la vie, de la mort et du sexe: sublime et dérangeant à la fois.

Pantruche 2L’œuf cuit mollet, piperade et siphon chorizo (9 €) ainsi que le pavé de lieu jaune en croute de châtaigne et amande, mousseline de céleri (19 €) sont fidèles à l’intitulé, voir trop: rien ne dépasse, c’est net, appliqué, seulement on a sous les yeux un objet au contenu presque inanimé quand on voudrait entendre battre son cœur, l’entendre chanter. Manque la surprise, ce dialogue qui pourrait naitre entre le plat et son destinataire. Aussi, méfions nous de la perfection qui prend quelquefois des allures de pierre tombale.

Pantruche 3

Nouveau venu dans le quartier fraichement gentrifié du triangle Pigalle/Saint Georges/Anvers, avec à sa tête Edouard Bobin et Franck Baranger, deux transfuges de la constellation Constant passés par le Bristol d’Eric Fréchon, Pantruche (Paris en argot) reste un bistrot contemporain plus que recommandable aux fréquentations également hautement recommandables (viandes Metzger frères, bœuf black Angus, porc basque ou espagnol, légumes des Vergers Saint Eustache). Le plat du jour à 14 €, le menu midi à 17 € (2 plats), le menu complet à 32 € ou bien la carte (huitres en tartare, risotto aux asperges vertes, caille farcie, côte de cochon fermier) laissent une excellente marche de manœuvre pour trouver son compte et peut-être son bonheur.

 

 

Le Pantruche

3 rue Victor Massé

75009 Paris

Tel: 01 48 78 55 60

Site: www.lepantruche.com

 

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27 mars 2011 7 27 /03 /mars /2011 12:47

(Minipalais 1)

Quoi de mieux pour célébrer ses retrouvailles avec la capitale, pour se la réapproprier et la respirer à pleins poumons après trois longs mois d'absence, que de déjeuner au Minipalais, un jour de grand soleil et de presque chaleur, sous le regard attentif du pont Alexandre III, celui plus discret du triple étoilé Eric Fréchon, conseiller et caution morale du restaurant, du chef Stéphane d'Aboville, qui interprête in situ les intentions du maître et de la paire Gilles & Boissier pour la déco grandiose qui semble hésiter entre loft massif, atelier d'artiste et refectoire chic.

Minipalais 2La carte est gentiment bistrotière, bien dans ses assises (ris de veau, cochon grillé, risotto, cabillaud nacré), un brin canaille (sardinillas à partager, encornets Pilpil, jambon ibérique, planche de charcuterie), un brin délurée (burger de magret et foie gras de canard, fish and chips), voir un poil dragueuse (beurre Bordier, charcuterie Yves Camdeborde, pain au levain Frédéric Lalos, poissons de petit bateau Raffin à Saint-Gilles Croix de Vie, issus de la pêche raisonnée.)

Minipalais 4

Ce jour là, le repas commence invariablement avec la petite attention du chef, une gougère plutôt délicieuse rehaussée d’une pincée de gros sel qui lui délie la langue.

Minipalais 5Un pied encore dans le voyage, l’autre mal assuré à Paris, je me sens intimidé par les propositions, hésitant longuement, moyennement emballé par les intitulés, qui s’explique par cette tristesse lancinante propre au retour de voyage dont je porte encore le deuil. Aussi, mon choix finit-il par se porter sur l’excellent merlan frit, sauce tartare, chips persillées qui n’est autre que le Fish and Chips anglo saxon (19 euros), une façon pour moi de passer la tête hors de l’hexagone, de reprendre mon souffle.

Minipalais 6 (Bis)

On notera au passage la texture divine, la couleur impeccable du merlan et l’épaisseur juste parfaite de la panure. En revanche, bien que généreusement persillées, les chips étaient trop grasses à mon goût, ce dont je me suis remis.

Minipalais 7En dessert, une première pour moi: le Sabayon chocolat aux noisettes, glace vanille, sauce caramel épicé (9 euros) dont en revanche je ne me suis toujours pas remis et qui est presque un tournant dans mon existence.

Minipalais 8En somme, je ne pouvais pas espérer de plus belles retrouvailles avec la capitale. Le rendez-vous est déjà pris dans les semaines à venir, cette fois-ci en terrasse.

Minipalais 3

 

 

Minipalais

Grand Palais

Avenue Winston Churchill

75008 Paris

01 42 56 42 42  

 

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27 décembre 2010 1 27 /12 /décembre /2010 12:22

L-Epicuriste-1.JPG

L’émotion, l’admiration quelquefois me font manquer superbement la totalité de mes images d'ambiance. Ainsi la salle carrelée aux tons crèmes, la grande cuisine ouverte et son chef à l’œuvre que je suis incapable de figer dans mon appareil autrement que flous. Mes nouvelles tentatives sont aussi vaines que les précédentes. Dépité, je jette l’éponge. Mon article devra composer avec cette absence, une béance s’il en est.

C’est peut-être de marcher dans les pas de l’Epigramme, ce néo bistrot réjouissant de la rue de l’Eperon emmené par deux garçons, Stéphane Marcuzzi et Aymeric Kraml, qui fait ainsi trembler mon poignet et sème la confusion dans mes réglages. Il y a un mois à peine, Stéphane et Aymeric faisaient leurs cartons, glissaient sous leur bras l’ardoise du marché un brin précieuse, un brin canaille, pour se poser boulevard Pasteur dans un espace très confortable, voir gigantesque en comparaison de la maison de poupée de la rue de l'Eperon avec ses 20 couverts à tout casser.

Heureusement pour les amateurs, les deux compagnons de route ne sont pas encore distraits ou paresseux au point d’oublier de glisser soigneusement dans leurs bagages leur lièvre à la royale qui ont fait les beaux jours de l’Epigramme et justifiait pour beaucoup ce jour là ma présence dans leur nouvelle adresse.

Ce midi, comme chacun, je faisais mon choix parmi les nombreuses propositions affichées sur l’ardoise (menu à 24 ou 28 €, pressé de queue de bœuf, Saint Jacques rôties, aïoli de bulots / côte de cochon basque, canard sauvage rôti, pot au feu de joue, lapin farci / riz au lait aux fruits secs, nage d‘agrumes au vin rouge, clafoutis aux poires).

L-Epicuriste-2.JPG

Le pâté en croute de gibier (pas exceptionnel mais néanmoins plaisant) me semble l’entrée toute trouvée histoire de me mettre en jambes avant de me frotter au lièvre à la royale( inoubliable, avec supplément de 12 euros qui n’est pas scandaleux au regard des colossaux efforts à fournir qu’exige la recette). Allez savoir pourquoi, le lièvre à la royale est systématiquement associé dans mon imagination aux atmosphères de fièvre et d’épouvante des contes d’Edgar Poe.

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Aussi, les arômes fins et corsés à la fois du gibier, les origines sauvages de la chair, sa sauce aussi sombre et inquiétante que l’eau au fond d’un puits, me projettent sans délai dans l’atmosphère lourde et vénéneuse d’une salle à manger hantée de vieux portraits hostiles, une nuit d’orage coulée dans l’impalpable et l’invisible. La mousseline de céleri adoucit le plaisant cauchemar qui s’achève malheureusement bien assez tôt. C’est une chance que l’année prochaine soit déjà demain.

 

 

L’Epicuriste

41 bd Pasteur

75015 Paris

Tel: 01 47 34 15 50

 

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24 décembre 2010 5 24 /12 /décembre /2010 09:01

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Un basilic thaï mystérieusement introuvable dans les épiceries chinoises du XIIIème arrondissement mais peut-être en embuscade dans celles de Belleville; du safran, de l’anis étoilé et du cumin à me procurer au Caire, l’épicier du 63 prodigieusement fourni en denrées de premier choix; l’occasion était toute trouvée de faire dans la foulée une pause déjeuner au Baratin de Philippe Pinoteau, aussi réputé pour ses vins naturels, que pour sa petite table tranquille.

C’est un bon quart d’heure avant midi. A l’exception de deux habitués qui biberonnent au coude à coude au comptoir de bois verni qui en a vu passer d‘autres, les deux petites salles communicantes que compte le bistrot restent invariablement désertes. Le temps, comme à l’accoutumée est mauvais, c’est veille de fête et après avoir jeté un œil à l’ardoise détaillant le menu unique du jour à 16 € pas excitant pour deux sous (salade de betterave, fenouil à l’orange, tête de cochon en salade, bouillon de barbue et ses légumes pour les entrées, ragout de lotte et seiche à la tomate ou bien collier d’agneau à l’indienne en plats), j’en conclue que depuis les vacances le Baratin doit fonctionner au ralenti. Comme pour illustrer ma réflexion, j’immortalise à travers mon viseur Beaujo, le chat mascotte de l’établissement (au même titre que Mickey au Select), qui pique un somme sous la fresque sur bois.

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L’entrée à peine servie (un réconfortant bouillon de barbue), les clients commencent enfin à affluer, discrètement d’abord puis par deux, par trois, bientôt suivis d’une poignée de touristes, yankee pour la plupart.

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Parce que Beaujo cache forcément quelque part sous son pelage un capteur ultra sensoriel, ce dernier sentant les salles se remplir se dresse sur ses quatre pattes sans avoir pris la peine de lever le museau et encore moins de tourner la tête (Beaujo a du métier), et le voilà qui se détend de tout son long, lâche un interminable bâillement et saute de sa chaise sur la mosaïque du carrelage pour venir se glisser nonchalamment entre mes pieds et se faire gratifier au passage d’une caresse dont il se contrefout superbement avant de poursuivre son chemin dans la plus complète indifférence.

Maintenant, si la salle est bien remplie, le repas mitonné par la pimpante Raquel Carena, ne décolle pas et se ramasse même gentiment. Le collier d’agneau à l’indienne est une belle plantade visuellement disgracieuse et gustativement médiocre (viande exagérément grasse et de qualité moindre, absence impardonnable de sauce, d’épices, malgré l’abondance de riz blanc cuit à la perfection).

Baratin 4

Allons bon, on ne prendra pas la poudre d’escampette pour autant. On sait que le Baratin donne toute sa mesure le soir avec sa carte appliquée, fouillée qui puise dans notre terroir. Et puis, l’atmosphère de camaraderie et la cuisine de marché même border line de ces adresses qui n’ont rien à envier aux restos routiers de la nationale 7 gardent toujours ma sympathie, d’autant plus que sur le fil, mon déjeuner s’achève sur une compote de pommes au citron touchante dans sa simplicité.

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Le Baratin

3 rue Jouye Rouve

75020 Paris

Tel: 01 43 49 39 70

 

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21 décembre 2010 2 21 /12 /décembre /2010 21:52

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Le Père Claude existe depuis 1898. C’est un siècle de trop. On espère une bonne rôtisserie et on se casse les dents sur une somptueuse fumisterie. Pour commencer, l’accueil est aussi glacial que les braises molles et tremblotantes de la rôtisserie ou végète dans le plus complet désintéressement un seul poulet qu’on croirait l’unique rescapé d’un abatage massif. Pour un peu, sa solitude nous briserait le cœur. On en veut presque au chef de tourner le dos à ce spectacle désolant et de rester prostré à scruter l’extrémité de ses longues.

Passons. On vient chez le Père Claude pour son demi-canard sauvageon, sa tête de veau sauce ravigote, son rognon de veau, son carré d’agneau à la rôtissoire ou son pied de cochon à la plancha, mais ce qui a assit sa réputation a deux pattes, un bec et un penchant affirmé pour la broche. Ici, le poulet rôti est le grand classique de la maison. Le menu affaires du midi à 29,50€ (terrine maison ou entrée du jour, poulet rôti à la broche ou plat du jour, verre de vin et café gourmand) me fournit l’occasion de juger par moi-même.

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Première grosse déception, la terrine maison du Père Claude de qualité et de texture comparable à ce qui se pratique en grande surface, est un bloc compact sans relief, difficile à trancher, sans contraste ni volume gustatif, ou rien n’est identifiable, aucun morceau ne se distingue et dont les saveurs sont écrasées, muettes. Pour rajouter au sordide de la situation, la petite salade d’accompagnement est noyée sous une vinaigrette sursaturée et le pain, infâme, date au mieux de la veille.

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Qu’on ne se soucie pas de me consulter pour s’enquérir de la partie du poulet qui me ferait plaisir n‘a rien de scandaleux, quoique. Après tout, j’aime être surpris et chaque pièce de la volaille m’a toujours sied pourvu qu’elle tienne ses promesses. Autant dire que j’ai vite déchanté lorsque fut dressée sur la table cette assiette flanquée d’une aile et de blanc légèrement carbonisés mais surtout secs au premier coup d’œil, d’une blancheur suspecte et surtout sans aucun goût malgré le coup de pouce de la sauce légère dont la très faible quantité me laisse en carafe, aux prises avec un poulet dans le coma et une purée sous cloche. Et de me dire, après cette expérience décevante et désespérante, que le Père Claude n’est pas Jacques Cagna et qu’un siècle supplémentaire ne suffirait pas à ce qu’il lui arrive ne serait-ce qu’à son orteil.

 

 

Le Père Claude

51 avenue de la Motte Picquet

75015 Paris

Tel: 01 47 34 03 05

Site: www.lepereclaude.com

 

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19 décembre 2010 7 19 /12 /décembre /2010 23:16

Mesturet 1

Ce jour là, pas d’autre moyen que de faire la nique à la neige et de s’engouffrer lâchement un poil après midi dans le cocon douillet du Mesturet. Après la neige, la boue et le verglas, il faut encore jouer des coudes pour gagner sa place jusqu’au zinc pris d’assaut, gonflé d’une foule affamée, frigorifiée mais fichtrement enthousiaste. On a des sourires jusque là, des bouilles d’enfant comblé, on lève son verre pour un oui, pour un non, pour des occasions qui n’en sont pas. D’ailleurs, les ballons on ne les compte plus, on s‘égare dans les nombres. L’addition nous rafraichira la mémoire.

On est plusieurs à prendre table, parfois jusque dix. C’est égal, le bistrot ne manque pas d‘espace. Les accents régionaux qui se glissent jusqu’à nos oreilles rappelle qu’on vient du Jura, du sud ouest, de la côte: on dirait toute la France concentrée dans cette grande salle. Des collègues de bureau, pour la plupart. Une échappée bon enfant entre deux réunions, deux dossiers. La bonne humeur est entretenue par le dynamisme, l’extrême gentillesse du patron et des serveuses qui sont naturellement aimables et souriantes. A l’évidence, elles ne se forcent pas. La carte bistrotière suit, directe, dynamique, un peu ébouriffée mais pleine de bons sentiments, animée des meilleures dispositions. Les entrées plafonnent à 8 € (poêlée d’escargots à la tomate, terrine de lièvre à l’Izarra verte; velouté de cèpes…), les plats ne franchissent pas la barrière psychologique des 15€ ( faux filet, chartreuse de faisan, grenadin de sanglier, fricassée de coq au vin, parmentier de queue et joue de bœuf aux oignons confits…) et les desserts sont bloqués à 8€. On peut également compter sur les plats et entrées du jour ainsi que la formule à 21 ou 27 €.

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Au moment de passer commande de mon entrée du jour (le tartare de thon, blafard, perdu dans son assaisonnement et presque sacrifié malgré les efforts de compositions), la salle est quasiment vide et c’est seulement lorsque j’énonce le plat à suivre (le civet de chevreuil Grand Veneur et son gâteau de citrouille à la muscade, pas détestable mais gâché par sa sauce sans relief, sans épaisseur et bien trop liquide), pour que la foule qui patientait au bar se dirige comme d’un seul homme dans la salle et prenne d’assaut la moindre table. L’ambiance festive et chaleureuse suit la foule comme son hombre, remplit le moindre espace. Le chef fait pour le mieux, c’est-à-dire pas assez, mais il n’est pas besoin de miracles pour que ce jour là nous soyons comblés.

Mesturet-3.JPG

 

 

Le Mesturet

77 rue de Richelieu

75002 Paris

Tel: 01 42 97 40 68

Site: www.lemesturet.com

 

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15 décembre 2010 3 15 /12 /décembre /2010 22:49

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Un bourgeois rougeaud, ventru et suffisant comme on en trouvait sous le crayon impitoyable du grand caricaturiste Daumier, qui pousserait la porte des Lyonnais ne trouverait rien de changé, ou si peu, depuis l’ouverture de la brasserie en 1890, il y a exactement 120 printemps. Ce monsieur retrouverait avec émotion le décore 1900 d’origine et son regard barbouillé d’indices, de côtes, d’actions et courbes galopantes pêchées dans son fidèle Figaro, se poserait non sans plaisir sur les frises en faïence, les murs recouverts de céramique, les moulures, lustres d’époque, banquettes en molesquine et autres globe lumineux.

Ce qu’il trouverait de changé, pour le coup, outre la clientèle certainement moins avenante que naguère, c’est naturellement la carte qui a traversé les âges, refondue mais pas bouleversée, revisitée mais pas dénaturée. La paire Ducasse/Thierry de la Brosse qui a racheté en 2002 cette institution de la gastronomie lyonnaise à Paris veille à la pérennité de la maison et continue d’offrir un concentré de la richesse gastronomique de cette cuisine qui dans l’imaginaire collectif est immédiatement associée à grattons, sabodets, tabliers de sapeur, quenelle de brochet, bugnes, coussins de Lyon et bien entendu Paule Bocuse qui est un mythe vivant.

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Mythe vivant, la planche de charcuteries lyonnaise à partager, composée de pâté de tête, de rillons, de saucisson chaud et patates, de rosette et de jésus, l’est tout autant. Variée, généreuse, un brin savoureuse et pas excessive avec çà (10,50€), nous l’avions préféré par exemple au fritot de tête de veau ou bien à la dodine de volaille au foie gras qui était pour nous une manière de conserver ce rythme désinvolte, canaille qui est celui de manger avec les doigts, chacun à son rythme, comme ce fut le cas avec l’inévitable cervelle de canut servie en amuse bouche, dont l’intitulé terrifiant cache en réalité des produits doux comme des agneaux (fromage frais, échalote, fines herbes, huile de noix).

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Galvanisé par mes heureuses et récentes incursions dans les terres sauvages et très gouteuses de la venaison, je déclinais les propositions de boudin noir rissolé, de cookpot de pomme de terre ou de quenelles sauce Nantua pour embrayer sur l’un des plats du jour, le gigot de sanglier qui allait me bouleverser, me laisser stupéfait, complètement désarmé - disons le tout net, au bord des larmes - face à une cocotte couvant un trésor plein de promesses secrètes qui était prémices d’une grande aventure.

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En cuisine, on raconte qu’une élaboration triangulaire d’un plat lui apporte dynamisme et équilibre, ce qui est également le cas pour la peinture et la photographie avec la règle des deux tiers, par exemple, comme l’a théorisée De Vinci avec sa perspective divine. Dans ce plat aux saveurs bien marquées tout fonctionnait par trois: la viande forte en bouche, tendre sous la lame, les fruits -poire caramélisée, pommes, pruneau, quelques châtaignes, et la sauce sidérante de précision, riche en arômes, travaillée de longue haleine au bouillon de viande, au vin rouge, au sang, légèrement poivrée, avec sur le tard cette touche chocolatée - du bonheur à l‘état pur, un moment historique. La question, après un tel choc est de savoir comment on s’en remet. On reste longtemps comme ça, secoué, ravi mais également un peu triste, dans l’incertitude, comme souvent, après l’amour.

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Aux Lyonnais

32 rue Saint Marc

75002 Paris

Tel: 01 42 96 65 04

Site: www.auxlyonnais.com

 

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11 décembre 2010 6 11 /12 /décembre /2010 23:38

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Yuki, en japonais signifie neige, qui est le prénom de l’une des deux adorables serveuses du Casse Noix, native d’Hokkaido, la plus septentrionale des îles de l’archipel, également la plus sauvage, la plus rude. Yuki est une parisienne comblée depuis quatre ans, ce qui n’a pas entaché son charme d’éternelle petite fille avec ce qu’il comporte de tendre et de sauvage, de grave et d’inachevé. La vie a manifestement gâté Yuki, qui ne l’a pas encore condamnée à devenir une grande personne.

En regard de Yuki, le Casse Noix avec son petit mois d’existence est un enfant, mais un enfant sûr de lui, appliqué qui a déjà trouvé son rythme de croisière et se fait discrètement une réputation, une renommée sous le commandement de son jeune et dynamique chef Pierre Olivier Lenormand, passé par la Régalade de Bruno Doucet dont les influences imprègnent nombre de ses plats, le Crillon et chez Jamin. Des ainés illustres qui ne détesteraient pas de se retrouver tous ensemble attablés dans ce bistrot décoré à l’ancienne, charmant avec ses couleurs chaudes, son horloge suspendue, son zinc, ses affiches d’un autre temps ou son armoire de boucherie de laquelle Yuki tire les amuse bouche du moment, une mousse de foie de volaille aérienne et ronde en bouche.

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Le plus délicat mais aussi le plus amusant, est pour Yuki et sa collègue aussi blonde que les cheveux de Yuki sont  noirs, de faire tenir en équilibre sur une chaise les ardoises sur lesquelles étaient reproduites les suggestions du jour (10€ entrée, 18€ plat, 7€ dessert) ainsi que le menu déjeuner à 20 € ou 25 pour le complet.

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Je préfère m’aventurer dans le menu à 32 € qui s’ouvre sur une renversante soupe crémeuse de potimarron à la badiane étayée de copeaux de foie gras cuit au vin rouge que l’acidité de l’alcool revitalise sans violenter, soucieux de la fragilité du produit. On distinguera au passage les croutons et les larges copeaux de parmesan qui sont autant de clin d’œil au talent à la fois créatif et gustatif de Bruno Doucet.

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A suivre, le pavé de lieu jaune poêlé au beurre demi-sel avec ses pleurotes grises à l’échalote, fidèle à son intitulé, criant de vérité, d’authenticité avec son poisson bien en chair, cuit sur le fil du rasoir, qui donne envie de se lever et d’applaudir à tout rompre, ses pleurotes justes superbes, la petite tranche de jambon ibérique sur la salade, la sauce à l’échalote légère et aux parfums délicats. La composition, l’équilibre de l’assiette a ce quelque chose de parfait, de rassurant, d’achevé qui peut faire songer à la vie, à la beauté de certains moments.

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Le petit pot de crème au chocolat de Saint-Domingue avec sa crème anglaise aromatisée au café que je requiers à part, dans un petit pot, s’inscrit dans la continuité de ce repas sans faille. La crème est puissante, racée et porte en triomphe le chocolat qui n’en demandait pas tant. Quand à la crème anglaise, elle est très raisonnablement sucrée, ce qui laisse la place à la pointe de café pour se développer et se faire apprécier, se faire aimer.

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D’où on conclura que cette adresse est hautement recommandable, bien que située dans un quartier qui n’est pas des plus engageants, tant pour la grande qualité de sa cuisine que la chaleur de son accueil, la gentillesse de ses serveuses et l’attention que Pierre Olivier Lenormand prête à ses clients les rares fois qu’il passe en salle.

 

 

 

Le Casse Noix

56 rue de la Fédération

75015 Paris

Tel: 01 45 66 09 01

 

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7 décembre 2010 2 07 /12 /décembre /2010 23:59

Jadis 1

C’est la saison du gibier qui exige ça de nous, parcourir des kilomètres dans la ville glaciale pour nous enfoncer dans les limbes du 15ème arrondissement et déboucher dans l’anus du monde, quelque part entre l’édifiante porte de Versailles et ces terres hostiles en décomposition, austères jusqu’à l’écœurement, qui croupissent dans le giron de la rue de la Croix Nivert. Quelquefois, on ferait des choses impossibles pour une tourtière de colvert. Seulement, il y a un commencement et ce commencement se nomme Jadis, prix Fooding 2008 du meilleur bistrot parisien, qui est un bon début. La suite se prénomme Guillaume Delage, jeune trentenaire au parcours impeccable puisque passé chez Fréderic Anton, Michel Bras pour finir second de Pierre Gagnaire chez Gaya.

Pour peu qu’on souhaite s’émanciper et développer une cuisine bistrotière pleine de charme, inventive et lumineuse bien à soi, on peut toujours s’amarrer à un numéro quelconque à triple chiffre de la rue de la Croix Nivert, tendre à l’entrée un rideau de velours gris souris, peindre les murs en blanc, injecter quelques touches de bordeaux, accrocher une poignée de vieille affiches, placer une douzaine de t ables astiquées et luisantes, enfin poser une moquette dont les pieds exaspérés après une longue marche apprécieront le moelleux. Au final, on baptisera son bistrot Jadis qu’on aura l’innocence et le talent de faire rimer avec avenir.

Si l’accueil s’avère exécrable (ce qui semble inévitable à en croire les différents échos), le service assuré par des âmes en pleine outrageusement las et distant, la carte est belle, brillante, aimante et généreuse. Femme, elle serait de celles qui se donnent la première nuit. Pour preuve, ce menu complet à 34 euros servi au déjeuner comme au diner (terrine de colvert, risotto crémeux, escargots petits gris et trompettes de la mort… / onglet de veau, royale d’oursins, tête de veau poêlée… / riz au lait à la pistache, opéra…), les suggestions comme la Pascaline de Saint Jacques, le velouté d’huitres David Hervé, les lichettes de magret fumet…/ le bar poché au gingembre, le gâteau de foie blond, les langoustines grillées et bisque de crustacés… et ce joli choix de gibier qui justifie notre présence, comme le pâté en croute de lièvre, le perdreau rouge désossé puis farci, le filet de biche rôti, une variante du lièvre à la royale… Soit la carte propice «à satisfaire un appétit devenu impérieux comme un rut, une gourmandise cérébrale attisée et flambante comme un feu de luxure» (Jean Lorrain).

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Nous sommes deux et le chiffre 2 va rythmer notre déjeuner dont l’entrée pareillement choisie, une crème de courge butternut à la Périgourdine se décompose en deux temps, le premier révélant une large assiette creuse au centre de laquelle s’impatientent gésier, jambon fumé et croutons, avant que la composition ne soit progressivement et délicatement arrosée depuis les extrémités de l’assiette de ce velouté savoureux, intelligemment relevé de piment mais malencontreusement tiède, ce qui n’est pas une catastrophe mais laisse toutefois quelques regrets.

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A nouveau le chiffre 2 comme cette tourtière de colvert au foie gras et pommes de terre servie pour deux et pour laquelle il faut compter 27€ par personne.

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On nous la présente entière, fumante, tout juste sortie du four, avant de la rapatrier en cuisine pour la dresser. Les arômes laissés par la tourtière flottent longtemps dans l’air que nous cueillons comme des fleurs de printemps. Elle réapparait quelques minutes plus tard, séparée en deux portions égales. Elle ne cache rien de ses trésors, elle exhibe ses charmes sans pudeur qui sont de généreuses pièces de colvert à la chair rosée, au goût puissant, hirsute, qui claque dans le palet tels des coups de fouet sur une peau tendue; une couche fondante de foie gras, du choux, de la farce qu’une indécente sauce au sang achève de faire basculer dans la décadence la plus complète. Après un tel choc gustatif, je suis impuissant à me laisser tenter par un dessert. Le moment est trop beau pour prendre le risque de le ternir. Il ne s’agit plus que de se retirer, en beauté.

 

 

Jadis

208 rue de la Croix Nivert

75015 Paris

Tel: 01 45 57 73 20

Site: www.bistrot-jadis.com

 

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