Bien entendu que je n’aurais jamais quitté New York sans avoir goûté à la cuisine japonaise dont la mégalopole américaine - outre l’empire Momofuku de David Chang - est un des meilleurs ambassadeurs. C’était un soir que l’orage venait de crever après qu’il ait fait exagérément lourd. L’averse violente, tellement prévisible lâchait sans surprise de longues baguettes d’eau sale entre le ciel et le macadam et c’était comme si le ciel tout entier se soulageait enfin. Interdits, pris de court, on courait dans tous les sens, on se précipitait vers la bouche de métro, on s’engouffrait dans une boutique, certains arrêtaient avec soulagement un taxi, d’autres encore poursuivaient leur chemin comme si de rien n’était, trempés mais heureux.
Tassés par la pluie, nous nous étions retrouvés justement devant l’entrée de Blue Ribbon, une auberge japonaise étoilée qui compte plusieurs déclinaisons dans New York. C’était le bout du voyage, déjà, qui s’achevait avec un maquereau en deux services, d’abord cru puis grillé, à tremper dans une délicate sauce ponzu.
Il était inutile de résister à la tentation d’avaler quelques bouchées de maki au crabe ou bien fourrés de peau de saumon grillé, tant on sentait la salle entière en adoration devant les mets qu’elle portait à sa bouche. Il suffisait de suivre le mouvement, de se couler dans le rythme, par exemple de saisir entre deux doigts un sushi rutilant de fraicheur qu’on aurait dit vivant et prompt à se redresser.
Et puis tout ce qui passa sous nos yeux y passa pour la dernière fois. Immobile, il s’agissait de laisser les bruits et les odeurs nous envahir une dernière fois quand les visages, bientôt, se brouilleraient et deviendraient incertains dans notre mémoire.
Blue Ribbon
278 Fith Avenue, entre first st et Garfield st
Site: blueribbonrestaurants.com
Station: Union St