Ambassadeur cantonnais sis au deuxième sous-sol de l'écrin second empire du Shangri La Hotel, le Shang Palace est à l'image
de cette mondialisation effrénée qui décalque autant qu'elle reproduit, multiplie autant qu'elle essaime. Ce pourrait être Sao Paulo, Manille ou Abou Dhabi et c'est Paris mais au fond peu
importe, l'une des caractéristiques d'un restaurant de palace étant justement de vider la ville même de sa substance, d'aspirer jusqu'à son dernier lampadaire, son dernier banc de
trottoir.
Aussi, s'enfoncer dans la moquette épaisse du Shang Palace, longer un paravent acajou, flatter une colonne sculptée de
nénuphars, se pourlécher devant une boiserie laquée comme rêvasser sous un lustre à facettes de cristal, c'est faire l’expérience cent fois répétée à l'étranger d'un luxe feutré, d'un faste doré
et ronflant au charme annoncé, à la cuisine inévitablement haut de gamme, raffinée mais restant comme par un fait exprès au seuil du mémorable, de l’inestimable qui est peut être la chasse gardée
de la rue, de ses adresses tapies à l'ombre des restaurants de chaîne planétaire fussent-ils hébergés dans les hôtels les plus prestigieux.
Une fois écroulé dans un fauteuil, on s'étonne à peine des prix himalayesques giflant chaque intitulé. On connaît la règle
du jeu. On ne hoche pas la tête d'indignation ni ne tente une exfiltration en douce deux étages au dessus sous la coupole en verre et le chandelier Murano de La Bauhinia dont les prestations sont
sensiblement plus clémentes.
On ne mégote pas, on y va franchement et on s'engouffre fleur au fusil dans le menu Jade
(70 €) s'ouvrant sur un choix de deux variétés de dim sum auquel on ajoute un troisième à la
carte.
Irréprochable ha
kao. Sa membrane ni trop fine ni trop épaisse, ses crevettes qui explosent littéralement en bouche, sans oublier ses petits légumes
craquant.
Non moins admirable siu mai
(crevette et porc) coiffé d'œufs de poissons volants dont la texture me déconcerte chaque fois mais dont j'apprécie la rugosité, le caractère
entier.
Sur les excellentes recommandations du serveur on dit banco pour la crêpe de riz rouge
farcie aux crevettes qui est une révélation, amour de contraste entre l'extérieur et l'intérieur, le moelleux de l'enveloppe et le craquant de la crevette. Le tout arrosé d'un
oolong millésimé, l'aventure ne pouvait mieux commencer.
Moins percutante mais dépaysante et plutôt amusante avec sa texture épaisse, limite élastique, la soupe de tofu et blanc
d'oeuf. Très bourrative, on n'en prélève que deux ou trois cuillerées.
On passe à la vitesse supérieure avec le filet de cabillaud poêlé. Servi tel quel avec quelques oignons cébettes. Portions
généreuses, blanc nacré de la chair, un régal à tremper dans la sauce soja chaude
Moins convaincant, le vapeur de poulet aux champignons noirs. Un peu fourre tout, manquant de panache mais néanmoins
sympathique à picorer entre deux bouchées de ce délicieux et très haut de gamme riz sauté aux coquilles Saint-Jacques. Riz exceptionnel ni trop gras ni trop sec, Saint Jacques cuites à cœur. Un
délice.
Deux desserts renversant. L’impeccable tan
yuan (pâte de riz gluant fourrée au sésame) sur lequel je ne ferai pour rien au monde l'impasse.
En face, les extraordinaires boules moelleuses de farine de blé dont la forme rappelle les mochi japonaises, fourrées d'une crème montée légère ainsi que de dés de mangue et de melon. Jouissif.
Certes, le ticket d'entrée n'est pas donné mais l'étoilé Shang Palace mérite plus qu'une seule visite. Il faut y retourner
approfondir la cuisine de Frank Xu, partager un canard laqué proposé en deux services, articuler son déjeuner autour des dim sum, goûter à l'une des
innombrables spécialités cantonaises dont les prodiges semblent inépuisables.
Shang Palace
Shangri-La Hotel
10 avenue d'Iéna
75016 Paris
01 53 67 19 92
www.shangri-la.com