J'aime bien ça, courir en tous sens le Malecon dont ses flâneurs, disons les acteurs, varient selon le moment de la journée et surtout de la nuit. Musicien à la manque reprenant à la guitare pour la centième fois de la journée l'inévitable «Hasta Siempre Comandante» enchaîné dans la foulée avec le non moins incontournable tube du Buena Vista Social Club; couple d'étudiants suçant un cône glacé, elle à la fraise, lui au chocolat; pêcheur à la mouche; jolie flique au pantalon bleu foncé moulant; fringant jamaïcain vêtu de blanc, venu en voisin passer le week-end à La Havane; cavaleuse en attente du client, cette avenue longue de 8 km incessamment battue par les vagues dont les embruns et les typhons successifs mangent inlassablement les façades des bâtiments est un véritable théâtre en plein air ou coule la vie, se jouent des destins et s'ébauchent des rêves.
C'est au cours d'une de ces promenades, juste après m'être arrêté sur le Malecon pour regarder des enfants se baigner au bord de la digue, que je tombais nez à nez avec le Castropol Taberna, vieil immeuble remis sur pieds à grands frais qui ravit le voyageur avec sa cuisine à la fois cubaine et internationale (homard façon carpaccio impeccable, poisson grillé du même tonneau).
Plus tard, je poursuis mes incursions dans le quartier de Centro Habana, disons-le tout de suite, mon favori, ou certains habitants en rez de chaussée s'ils ne proposent pas à travers l'ouverture de leur fenêtre les habituels cafés, pâtisseries, jus ou petites réparations, font de bonnes affaires en vendant des objets employés dans les cérémonies de santéria, cette religion d'origine africaine, équivalente au vaudou haïtien, apportée par les esclaves noirs nigérians au début du 16ème siècle pratiquée par une bonne moitié de la population cubaine.
La mer n'est jamais loin.