Catane commence dans une librairie, sous l’œil bienveillant de Chet Baker.
Tertulia n'est pas qu'un espace dévolu aux beaux textes, on y mange léger,
on y vient siroter une boisson fraîche en écoutant un poète jouer ses textes à la guitare.
Plus tard, accompagné d'un programmateur la performance se poursuit dehors, en terrasse
puisqu'il faut bon et chaud et qu'on a tout le temps du monde. Les rares passants qui descendent la via Michele Rapisardi se pressent vers la Piazza Duomo et ne s'arrêtent pas – la musique
passent loin au dessus de leur tête et s'envole, s'envole - comme s'ils craignaient de ne pas y arriver, l'illusion de la vitesse étant de croire qu'elle fait gagner du temps.
Plus tard, encore, on grimpe la via Antonino San Giuliano, fleurie sans raison et belle, qui semble s'envoler vers le bleu
du ciel. On la dirait, cette ville, coulée dans le bleu du ciel. Une petite côte et on se sent très haut, comme sur le toît du monde. L'Etna est derrière nous, que l'on sent peser de toute sa
masse. Il a sa langue, que sont ces convulsions, ces crachats encore récents de lave, la vapeur et la cendre éjectée qui vient mourir jusque sur les pages de mon carnet.
De minuscules grains noirs friables qui s'effritent sous la pression des doigts. Le papier crépite, les grains d'aspect
charbonneux roulent en cadence sur la feuille. Le vent les sème aux quatre coins de la ville. Ils se déposent au fond de mon verre. Je les avale, inévitablement, et c'est un peu de l'Etna entré
dans mon corps. Le volcan possède sa musique, qui nécessite de tendre l'oreille. Quelquefois, la cendre refroidie rencontre un visage. On croirait l'hiver, et c'est un autre voyage.
Via Crocifer, je dîne de la mer, au restaurant Metro, salué par le mouvement Slow Food,
deux fois de thon, probablement saupoudré malgré lui de cette poussière noire. Me reviennent certaines pages de Pluie Noire et surgissent dans la foulée des images du film qu'en a tiré Shoei
Imamura (auteur de l'Anguille, l'un de mes films de chevet – le non séjour ce printemps au pays de Tanizaki est une petite douleur). Serrés sur une barque, la pluie sale, la pluie maudite qui
s'abat sur les rescapés, comme la continuité du cauchemar.
Rien de maudit dans ce tartare de thon qui brille par sa simplicité, émeut par son
naturel, suivi d'un tonno ca cipuddata, une tranche de thon grillée recouverte d'oignons caramélisés,
mariage princier, noces royales. Une spécialité sicilienne, comme cette poussière noire qui continue de pleuvoir dans notre assiette, dans nos cheveux. Et de répondre au volcan par des
sourires.
Metro
Via Crociferi, 76
www. Ristorentemetro.it
Tertulia
Via Michele Rapisardi, 1-3
tertulia.tertulia@libero.it