S'il est un lieu où je suis à peu près certain de ne pas croiser d’expatriés et encore moins de touristes, c'est bien le mastodonte Du Miên Café (1000 couverts au bas mot), distant du centre d'une bonne année lumière puisque débarqué il y a tout juste deux mois en plein quartier de Go Vâp, soit montre en main à 30 minutes de la cathédrale et de la vieille poste. Go Vâp c'est Saigon dans son jus, sans filtre, brut de décoffrage.
A la fois charmeur, électrique, éprouvant, bienfaiteur et exaspérant, la vie y coule comme un jus de chaque trottoir et c'est ici même que se trouve Saigon, la vraie, dans ce spectacle à ciel ouvert que sont ces milliers d'immeubles serrés les uns contre les autres, scrupuleusement organisés en espace d'habitation à l'étage et en boutique au rez de chaussée.
Go Vâp c'est encore ses quartiers labyrinthique administrés par des comités populaires investis de pouvoirs locaux, un peu à la façon des hutong pékinois; sans oublier ses temples, ses marchés animés du matin au soir, (tout le contraire du trop touristique Ben Thanh market dans le centre avec ses allures de morgue) ses cafés, ses gargottes, bref, une orgie de vie, de visages, de sons, d'odeurs et de couleurs. Bref, la vie à l'état pur.
Pour revenir à Du Miên dont le gigantisme frôle l’aberration voir l’hôpital psychiatrique, mes amis m’apprennent que le lieu sert en réalité à blanchir l'argent de la mafia, aussi infiltrée et discrète au Vietnam qu'elle est tapageuse et racoleuse en Italie. Il y a d'ailleurs ce bon mot qui tient autant de l'état de fait que du slogan auquel nombreux se plient volontiers: ''On ne peut pas m'acheter avec de l'argent mais on peut m'acheter avec beaucoup d'argent.'' Tout un programme.
Du Miên c'est donc 1000 couverts disséminés sur 4 niveaux, des bassins, des terrasses à tout bout de champ rafraîchies par des rideaux de fraîcheur qu'on doit aux brumisateurs qui tournent à plein régime du matin au soir, de grands salons colorés et lumineux lorsque l'air devient trop étouffant ou pour la saison es pluies et une clientèle jeune (forcément), un brin amoureuse et familiale.
Une sorte de palais des 1000 nuits avec cerise sur le gâteau, une cabane circulaire fichée sur un arbre. De quoi éprouver ce vent de folie, de démesure qui souffle sur le Vietnam.
De retour à la maison, toute aussi extravagante et férocement alléchante, cette soupe douce amère aux touches acides, la bun doc mung, dont outre le doc mung, ce légume dont je ne trouve pas d'équivalent en France, l'ingrédient star est indiscutablement le qua doc, un fruit poussant dans le nord du pays de la forme d'une grosse figue qu'on fait confire dans le bouillon avec du poisson, du porc, des tomates et de la pâte de tamarin.
On la déguste avec des vermicelles de riz et une pincée d'aneth, une autre de ciboulle pendant que sur le feu le manioc se gorge de lait de coco, ce qui fait un heureux dessert.
Du Miên Cafe
48/9A
Ho Bieu Chanh
Phu Nhuan District
Go Vâp