''Au bord du lac, des villas normandes et biarrotes. Des chalets savoyards sur les
collines. Des massifs de fleurs, agapanthes et capucines et hortensias comme à Dinard. Un chemin de fer à crémaillère grimpe vers le plateau jadis inviolé, dessert une gare qui, comme celle de
Pointe-Noire au Congo, est une copie de celle de Deauville. L'Institut Pasteur gère l’hôpital. On inaugure un couvent où les nonnes chanteront mâtines et laudes, le couvent des Oiseaux, ainsi
qu'un lycée pour plusieurs centaines d'élèves, auquel le vieux Yersin, découvreur du plateau a accepté que son nom soit donné.''
Personne d'autre que Patrick Deville dans son ''Peste et Cholera'' consacré au bactériologiste et non moins explorateur Alexandre Yersin - passé à la
postérité, au même titre que Pasteur avec son vaccin contre la rage pour avoir découvert le bacille de la peste - n'a su décrire avec autant de justesse et une telle économie de mots, le Petit
Paris du Vietnam, la ville de l'éternel printemps ou la température ne descend pas au dessous des 10 ° en hiver et ne dépasse 25 ° en été.
Crée par Paul Doumer dans le souci d’accueillir ''les colons fatigués et les impaludés'' étouffant à Saigon, ceux-ci migraient régulièrement via les lacets de Nationale 20 dans les hauteurs
du centre sud pour fuir la chaleur et l'humidité de la côte et bénéficier de la douceur du climat de cette station dont la devise un brin exagérée n'est autre que ''Aux uns elle donne la joie,
aux autres, la santé.'' Étendu sur une série de collines couvertes de pins et déployé autour de son immuable lac, Dalat aura peu changé depuis que Yersin y accrocha une dernière fois sa veste au
bar du Lang Bian Palace, ''assis au comptoir verni et rond''. ''Dans les années trente, une ville donc, surgie de rien sur le plateau verdoyant. Dalat a changé depuis de maître et de peuple mais
pas de décor. Une manière de Bagnoles-de-l'Orne en Normandie ou de Cambo-les-Bains au Pays Basque. Ici, les trente années de guerre vietnamiennes ont glissé comme de l'eau sur les plumes d'un
canard, très loin des combats.''
Aujourd'hui, la plupart des quelques 2500 villas et chalets aux allures de palais ne sont plus que les fantômes d'eux-mêmes et si durant la période coloniale les étrangers représentaient
jusqu'à 20% de la population de Dalat, on ne les trouve plus aujourd'hui que dans les pensions du centre, les cafés tristes comme un dimanche de pluie ou calfeutrés dans la poignée d'hôtels de
luxe que compte la station.
Gare fantomatique, ancienne poste reconvertie en restaurant chic, tour de radio singeant la Tour Eiffel, carrioles à cheval
jetées ici ou là, présence fortuite d'une antique 2CV ou d'une 403, à Dalat la tragicomédie est à chaque coin de rue, en plus qu'on y mange excessivement mal, ce qui passe encore, étant donné que
convalescent je suis astreint au bouillon.
Reste que le climat doux et clément ainsi que sa terre fertile font de la région du Lang Bian l'une des premières zones
agricoles du Vietnam, permettant par conséquent à la ville de cultiver une grande variété de fleurs, de légumes et de fruits qui seraient impossibles à faire pousser dans les basses terres
(rappelons que Dalat culmine à 1500 m d'altitude).
Aussi, n'est-on pas entièrement surpris qu'y poussent artichauts (dont la tisane vendue sur le marché est parait-il un remède très efficace pour brûler les graisses), brocolis, salades,
petits pois, haricots verts, betteraves, poivrons, avocats, radis, tomates, carottes, pêches, abricots, vignes (le vin de la région bien que considéré comme exécrable par certains - à juste titre
- , jouit d'une excellente réputation dans tout le pays et blancs comme rouges sont consommés sans discrétion aucune par les couples de mariés qui montent au frais à Dalat célébrer leurs noces,
comme on descendrait au chaud, en Provence, fêter les nôtres).
On
trouve encore des fraises, pâles, anémiques, cultivées comme tant d'autres fruits et légumes sous serre et qu'on se gardera de consommer sinon écrasées avec du lait et beaucoup de sucre. Quasi
produit de luxe réservé aux grandes occasions, il n'empêche que les fraises sont envoyées aux quatre coins du pays une fois rangées avec précaution dans une petite caisse en bois.
Enfin, avec ses terres fertiles, ses prairies luxuriantes et ses vallées fleuries à perte de vue, à l'image de la région de Kunming en Chine, Dalat est le jardin du Vietnam avec ses 400
espèces cultivées qui couvrent à elles seules 80% des exportations de fleurs du Vietnam. Une production décuplée depuis le milieu des années 90 avec l'apparition de Dalat Halsfarm, un village
floricole industriel doté d'un capital d'investissement à 100% étranger.
Les théiers eux aussi produiraient volontiers de jolies fleurs (blanches à jaune clair) s'ils n'étaient taillés par la main de l'homme (dans le
meilleur des cas) sinon mécaniquement.
Les environs de Dalat abritent quelques belles plantations comme celle de l'Arbre
Broyé située à 25 km de Dalat, à l’extérieur du village deCâu Dât.
Dans cette plantation crée par les français en 1927 qui culmine à 1650 m et dont
les premiers théiers de la famille des théiers centenaires Shan Tuyêt poussant dans les montagnes Ha Giang,
provenaient du nord Vietnam, il est émouvant de se promener au milieu de théiers quasi centenaires.
On y produit du thé noir, du thé oolong mais la spécialité reste le thé vert de qualité,
auquel profite la rosée du matin dès lors qu'il est cueilli très tôt.