Au 19 rue Bréa tout a changé et rien n'a changé. Une trêve estivale et un grand écart plus tard, l'étoilé Sensing s'est mué
en Guy Martin Italia, délaissant les créations néo classique pour les réjouissances de la grande botte, s'arrachant des cimes d'une cuisine créative et nomade pour s'élever plus haut encore
jusqu'à tutoyer les anges. Une heureuse métamorphose qui laisse moins de traces dans l'aménagement de ses salles chaudes, modernes et feutrées (inchangés, le grand comptoir d’albâtre, les
irrésistibles tables en sycomores, les mystérieux miroirs jouant à la fois sur l'opacité et la transparence donnant à voir autant qu'ils les dérobent au regard de splendides vases Baccarat), que
dans le virage à 360° opéré en cuisine.
Originaire de Mantoue, enfant de la plaine du Pô, Fabrizio La Mantia, sous l’œil avisé
de Guy Martin, a intelligemment opté pour une carte très ramassée où l’excellence juste ahurissante du produit s'accorde à merveille avec des compositions plutôt sages qui sont à la gastronomie
ce que le tapis rouge de Cannes est aux stars du cinéma. Produits artisanaux exceptionnels, collaboration en direct avec des petits producteurs, gamme des terroirs, valse des villages, culte de
la tradition, Fabrizio La Mantia fait dialoguer le meilleur de l'Italie qu'il travaille par touches sensibles et discrètes en prenant le plus grand soin de ne pas dénaturer le
produit.
Un exemple? La burrata des Pouilles (16 €) et sa membrane
pas plus fine qu'un cheveu d'ange, son cœur exceptionnellement crémeux, ses entrailles qui éclatent, jaillissent en gerbes lactées ou la farce côtoie quasiment le merveilleux; accompagnée de
belles tranches de Culatello di Zibello, le diamant brut et rare de la charcuterie italienne (à peine 15 000 pièces produites chaque année). Fondant et délicat en bouche, le Culatello di Zibello
c'est le cœur de la cuisse du cochon noir, la partie la plus tendre, désossée, arrondie en forme de poire, salée, insérée ans une vessie de porc, puis enroulée dans un torchon imbibé de vin blanc
pour lui permettre de respirer, et affinée plus d'un an en cave, Fabrizio La Mantia révélant qu'avant de le trancher il le fait amollir dans du vin.
Si les romains nous ont transmis ce procédé, me confie encore Fabrizio La Mantia, ils ne sont pas non plus étrangers au riz
semi-complet, «semi travaillé» comme on dit en Italie, produit de façon artisanale à Aquila, dans le centre, celui là même qu'il aime cuisiner dans son déjà classique voir historique risotto au
safran et aux girolles (20 €). Il apprécie, dit-il sa texture très intéressante à travailler, sa résistance en bouche et quand on lui demande ce petit goût agréable et très particulier qui
n'échappe pas aux papilles tombées en pâmoison, il nous révèle avec un sourire malicieux qu'il a pris soin d'ajouter une goutte de vinaigre balsamique dont la pointe d'acidité stimule la
composition et en facilite la digestion.
Sans vin ni dessert, l'addition stagne à 36 €. Certainement pas donné mais loin, très
loin d'être volé, au regard bien entendu des ambitions de la carte, du cadre, de l’accueil (mention toute particulière à Sophie Jousseaume pour sa disponibilité, ses éclaircissements et peut-être
simplement sa gentillesse), et des petits à côté comme la délicieuse foccacia toute chaude sortie du
four, le trio d'huile d'olive et les mignardises comme ce mini baba au rhum juste divin.
Guy Martin Italia
19 rue Bréa
75006 Paris
01 43 27 08 80
www.guymartinitalia.com