
Massimo Rizzo, le patron multo simpatico de Croccante, c'est un peu Gargantua en gants de velours. Ou la promesse d'un repas «pauvre mais riche», sicilien jusqu'au bout des ongles.
De la Sicile, il sera question dans le moindre intitulé de la carte mince mais affolante qui musarde entre les différentes provinces, piochant subtilement dans la géographie tourmentée de cette île
posée entre trois mers ou au cours des siècles grecs, puniques, normands, romains, arabes, espagnols et français ont laissé une empreinte à la fois colorée, variée et fastueuse dans la culture
gastronomique.
La «Pasta malerba» (12 euros) en est un bon exemple avec son pesto maison à base de céleri, ail, carottes, tomates confites, amandes, marjolaine, romarin, thym, sauge, menthe et tutti quanti... Les
«taglioni ammuddicati con bottanga di tonno» (14 euros), œufs de thon séchés et salés avec une chapelure toastés, tomates cerises, oignons bâton, pignons de pin, raisins secs, persil, citron
soulignent une nouvelle fois la dette que doit la cuisine sicilienne aux influences extérieures.
Riche en saveur, généreuse, un brin fantasque (ces mémorables «maccheroni siciliani» artisanaux aux gambas et saupoudrés de pistache), Massimo, secondé en cuisine par sa femme Deborah, ne la
conçoit pas autrement.

Au point que la petite cantine qui fait également office d'épicerie de poche
ne désemplisse pas, alléchés que nous sommes par exemple par cette ahurissante assiette
d'antipasti au prix doux, limite fondant de 10 euros, à partager à deux, vrai tire larmes s'il en est avec ses courgettes à l'huile craquantes, ses oignons cuits au four à l'huile d'olive et au
vinaigre, ces tomates cerise de Pachino, sa mozzarella di bufflone en tresse remplacée par des billes lorsque celle-ci vient à manquer. On craque également par anticipation pour la poutargue de
thon à la sauce aux haricots blancs proposée au petit bonheur selon l'humeur de Massimo, une spécialité à base d'œufs de thon sicilien salés, séchés et préssés (plus maigre que ceux péchés dans le
nord de l'Europe) à déguster râpés. Il fonctionne comme ça, Massimo, à l'instinct, au sentiment.
Aussi, vous sortez d'un spectacle et débarquez à plusieurs, l'estomac dans les chaussettes et sans crier gare
alors que s'achève le dernier service. Inutile de demander la carte, le bonhomme se charge de vous rigoler de pâtes préparées de main de maitre et servies sans faire de manière, comme à la maison,
dans un grand plat fumant. Pour arroser ce festin, on se laisse tenter par un de ces vins puissants et denses comme ce blanc de la région
d'Alcamo, ces rouges de la partie méridionale de l'île, ceux plutôt charnus produits sur les pentes de l'Etna obtenus à partir de raisins riches en nutriments favorisés par le terrain
volcanique.
Pour peu qu'on pousse le vice à ramper jusqu'à la carte
des desserts, on passera commande dans un filet de voix qui sera un peu notre dernier souffle, d'une glace artisanale croustillante (5 euros), d'un tiramisu également croustillant ou d'une crème de
mascarpone à la liqueur de Maraschino avec ses biscuits amaretti concassés, menthe, pistache, raisins secs, éclats de chocolats noirs (7 euros). Rendez-vous est pris pour la prochaine fois, après
avoir pris la précaution de zapper l'entrée !
Croccante
138 rue de Vaugirad
75015 Paris
Tel: 01 47 83 37 28