La terre peu trembler, l'avenir du pôle artistique être sans cesse remis en question, le périmètre avoir été rasé pour faire surgir de terre l'ultra contemporaine Rive Gauche, les anciens entrepôts frigorifiques, propriété de la SNCF, tiennent bon et résistent avec une énergie qui n'a jamais faibli depuis le commencement. Aussi, doit-on s'attendre à continuer d'apercevoir coincé entre la BNF, l'université Paris 7 et des immeubles tout de verre et d'acier, cette tache, ce point noir, disons un pied de nez, sinon doigt d'honneur aux promoteurs immobiliers, dont les ennemis ne manquent pas et qui continuent de ronger leur frein.
Et c'est tant mieux car grâce à l'Association Pour Le Développement du 91 quai de la gare, la galerie-restaurant que la japonaise Mariko débarquée de son Osaka natal a ouvert il y a 20 ans, a encore de beaux jours devant elle.
C'est dans une petite salle austère aux murs nus et à la mezzanine encombrée d'un joyeux bric à brac, que Mariko mitonne une cuisine du marché d'inclinaison japonaise mais pas que, papillonnant volontiers entre l'hexagone et l'archipel, selon les jours, ses envies, son inspiration et la saison. L'expérience vaut le détour, d'être accueilli par la maîtresse de maison officiant seule dans ce restaurant sans cadre ni carte, qui pourrait aussi bien être chez elle.
Sa clientèle est composée quasi exclusivement d'habitués, aussi s'étonne-t-elle légitimement de ma présence, qui est une manière de se réjouir. Et de m'annoncer, après les présentations faites, comme si l'affaire était entendue, le menu complet à 19 € qui s'ouvre sur une entrée imposée - un aimable potage dominé par le potimaron «avec beaucoup d'autres légumes vert, mais ça ne se voit pas !». Je note la tranche de pain maison posée en équilibre sur le rebord de l'assiette. Un effort, une attention.
A suivre, le poulet fermier à la sauce curry auquel je préfère le saumon poêlé accompagné de riz aux légumes, de crevettes juste frites et d'une salade. Pas de quoi se réveiller la nuit mais c'est sans anicroche et c'est simple et c'est parfait.
Au choix, le gâteau au chocolat, la tarte aux poires ou au citron, bien dodue, bien citronnée, un vrai tire larme. Tellement délicieuse que je m'interroge sur la recette: «Oh, c'est rien du tout, n'est-ce pas: des œufs, du sucre, de la crème, du citron.» Sa conception du rien. Je reviendrai.
La Maison des Frigos
19 rue des Frigos (91 quai de la gare)
75013 Paris
01 44 23 76 20
www.les-frigos.com