A première vue on navigue en plein cauchemar. La démarche légèrement chevrotante, le soulier qui se dérobe sous le pavé irrégulier et humide, on louvoie dans l'ahurissement le plus complet entre de simili bistrots parisiens, des cantines savoyardes tout ce qu'il y a de plus de factices, des crêperies racoleuses et contrefaites, sans parler des resto grecs poussifs et braillards. On n'est pas friand de tripes, de cervelle, de groin, sans quoi on filerait sans hésitation chez Ribouldingue avaler une petite salade de tétine de vache suivie d'une copieuse langue de bœuf. C'est précisément au moment qu'on s'engouffre dans la minuscule rue de la Parcheminerie (plutôt une voie qu'une rue, laquelle accueillait autrefois les écrivains publics et les artisans parcheminier) pour s’extirper à la fois découragé et vaguement dégoûté du quartier sinistré de la Huchette, qu'on avise la façade gis noir de Lengue, une authentique izakaya ouverte il y a tout juste un an. Il nous semblait bien avoir entendu ou lu ici et là quelques comptes rendus enthousiastes de cette auberge toute en murs de pierre de taille et poutres apparentes où en soirée, autour d'une multitude de petits plats chauds ou froids façon tapas (poulpe au wasabi, ventre de saumon grillé, édamané, maquereau vinaigré aux algues, boulettes de poulet à la sauce yakitori...) et d 'une profusion de vins français, de sake, d'umeshu, mais encore de shôch et de grands crus de whisky nippons; c'est un peu de l’esprit populaire et festif japonais qui souffle entre ses murs.
Si l'ambiance du déjeuner ne souffre pas la comparaison avec celle du soir, on aurait tort de ne pas y faire un crochet pour goûter la formule bento à 18 € (23 avec le dessert) qui se présente sous forme de deux boites laquées, la première consacrée à la viande ou au poisson (porc sauté au jus de gingembre, crevettes panées etc...) la seconde dévolue aux garnitures. Rien de bien transcendant, certes, quoique l'ensemble soit plutôt réussi.
Le foie de volaille sauté dans l'huile de soja avec de la feuille d'ail fond en bouche et les légumes - aubergine et bonite séchée, chips de lotus, carotte et salsifis émincés, épinards au sésame, la très fondante poteto sarada, cette la fameuse salade de pomme de terre jovialement régressive - se laissent avaler avec grand plaisir.
Plutôt sympa, le riz est proposé à volonté. On notera au passage bol à miso d'un bois très fin qui offre une proximité supplémentaire avec la soupe chaude encore fumante. Toutes nos félicitations à Kondo Katsutoshi et son équipe.
Lengué
31 rue de la Parcheminerie
75005 Paris
01 46 33 75 10