L'unique intérêt de Bac Lieu ce sont ses habitants, les plus doux, les plus gentils qui soient. Dans sa laideur, la ville sait rester digne et belle et il n'est pas dit qu'une fois le canal dragué, les berges aménagées et les vieilles maisons coloniales achevées d'être restaurées, Bac Lieu commence à voir pointer le bout de leur nez quelques touristes étrangers.
Bac Lieu est de ces petites villes qui se vivent plus qu'elles ne se visitent. Les promenades manquent mais les cafés sont légion où siroter un jus de sucre de canne ou un Xaxi et engager la conversation. Quoi qu'on fasse où surtout qu'on ne fasse pas, on est à la joie de déguster par exemple sur le pouce une assiette de banh cu cai découpés au ciseaux par une jeune femme souriante trop intimidée pour se faire photographier.
Et c'est une nouvelle claque, cette farce de daikon, crevettes et porc cuite à la vapeur dans une pâte épaisse de riz, arrosée de nuoc mâm légèrement citronné.
En plein centre (si seulement Bac Lieu en compte un), on tombe inévitablement sur le marché de nuit en train de se monter et c'est l'occasion toute trouvée de déguster un choux à la crème de cacahuètes et noix de coco.
Le choux, on le pressent sec, approximatif, or pas du tout, c'est exactement le contraire et on le trouve pour tout dire excellent.
Chemin faisant, décidé à aller jeter un œil au Cong Tu Hotel, cette grosse bâtisse datant de 1919 et construite avec des matériaux importés de France, je fais étape une nouvelle sur un bout de trottoir (qui valent tous les palais d'Europe, si, si) pour chemin faisant, déguster sans appétit puisque poussé par la seule curiosité, une crêpe de riz à la noix de coco qui est aussi l'occasion de mettre la main sur une part de gâteau à la banane en cas de petite faim nocturne.
En soirée, retour au marché de nuit qui cette fois-ci bat tout son plein, vapeur d'eau par ici, jets d'huiles par là, fumée de viande et parfums d'herbes venant chatouiller les narines. Et pourquoi pas tenter le Cari gà vit, une variante vietnamienne du curry au canard dont une fois encore le bouillon recèle 1001 ingrédients et 1001 secrets qui nous donnent cette impression d'être plongé en plein rêve.
Et si le voyage, après tout c'était ça: un voyage dans le voyage rendu possible par la seule magie des plats dégustés dans la rue.