La petite Yaya mange des glaces comme elle respire. Je ne m’explique pas autrement qu'il faille la changer jusqu'à cinq fois par jour. Ses vêtements sont comme des toiles vivantes. En peinture on appelle ça du dripping.
Il suffit qu'en ce premier jour de Têt nous nous rendions au temple pour qu'elle se souvienne que le fameux glacier Quan kem nhan n'en est situé qu'à une poignée de minutes. On s'amuse qu'elle pourrait presque s'y rendre toute seule. Elle est une habituée, au même titre que ces étudiants et ces couples venus des quatre coins de l'arrondissement.
Comme nombre d’inconditionnels du lieu elle ne jure que par la spécialité maison, la glace au litchi et lait de soja, quand Lê (Poire) se régale du sorbet à la fraise en prenant le plus grand soin de ne pas tacher son ao dai, la robe traditionnelle vietnamienne qu'elle a revêtu ce jour-là spécialement pour l'occasion.
En ce premier jour de Têt ou sous peine de s'attirer la malchance il est déconseillé entre autres de faire sa lessive ou le ménage, porter du blanc ou noir ou d'emprunter de l'argent, on ne manque pas de fendre d'une visite au temple histoire de s'attirer les faveurs des esprits et mettre la chance de son côté pour l'année à venir.
Sans surprise il y a foule et des nuages d'encens qui vous font tourner la tête. Les heures passant on n'en finit plus de s'offrir des petites enveloppes rouges contenant quelques billets et c'est beaucoup de joie qui se répand dans la ville, à moitié déserte et pas loin d'être silencieuse, pour peu que la notion de silence veuille dire quelque chose aux habitants de Saigon, ce dont je doute fortement.
Quan kem nhan
Sô 02 Truong Han Siêu
P.Da Kao, District 1