Deux symboles: le passé et l'avenir. D'un côté, le dôme du City Center, un ancien cinéma de forme ovale surplombant jadis un centre commercial, inspirant depuis 1983 au passant une véritable vision de cauchemar, sinon d'apocalypse avec ses façades criblés d'impacts balles, ses pans de murs explosés dégueulant du béton et ses tiges de fer à béton surgissant de toutes part comme autant de serpents animés de mauvaises intentions. De l'autre, la mosquée sunnite Mohamed El-Amine, financée par le milliardaire Rafic Hariri, inaugurée en 2008 par son fils, qui est aussi la plus imposante du Liban mais surtout splendide avec son dôme bleu ciel et ses coupoles jetées dans l'azur, sa salle de prière sobrement raffinée et son imposant chandelier qui brille de toute sa démesure.
Si le «Blob», le «champignon» ou l’oeuf» comme on l’appelait alors, est voué à une destruction imminente, il reste qu'on préfère de loin l'édification d'une mosquée de l'envergure de celle de Mohamed El-Amine à ces nouveaux Souks de Beyrouth censés catapulter la capitale dans le XXI ème siècle, bâtis à renfort de millions, voués aux marques de luxe et censés drainer tout ce que le Golfe compte de nantis. C'est que pour se rendre au Souk el Tayeb, on a quasiment pas d'autre choix que de couper à travers ces allées marchandes glaciales fourmillant d'agents de sécurité. Une fois arrivé à proximité du port, c'est une autre chanson: du gravât à perte de vue, un musée voué à l'art contemporain flambant neuf et juste à droite, une poignée de tentes, signe qu'on est arrivé, qu'on a pas fait tout ce chemin pour rien. Nous voilà enfin récompensé.
C'est à peine une quinzaine de stands qui composent le Souk el Tayeb, soit le «marché des bonnes choses», une coopérative agricole qui regroupe une brassée de producteurs venant des quatre coins de la région et attachés aux valeurs bio.
Des figues venues d'un autre monde, des amandes fraîches, des herbes, des légumes gorgés de soleil, de la confiture de pommes de la région de la Bekaa, des jus, des sirops, des eaux de rose, de fleur d'oranger, des galettes de viande hachées, des fatayers, ces beignets triangulaires fourrés aux légumes mais encore des créations gourmandes qu'on peut consommer sur place sur une des longues tables, on vient de loin pour y remplir son panier et même du sommet des tours flambant neuves du front de mer ou bien du centre ville comme en témoignent les nombreuses voitures, souvent grosses et racées garées à proximité.
C'est pour ma part l'occasion de faire provision de pignons et de zaatar, ce mélange à base de thym, de sumak et de graines de sésame qui vient recouvrir la pâte du manaich zaatar, la fameuse galette au thym. Dégustée dans un snack au coin de la rue, toute droit sortie du four à bois, avec son filet de jus de citron, quelques olives, quelques bouts de tomates et beaucoup de menthe, c'est un régal sans équivalent.
Souk et Tayeb
Après les Souks de Beyrouth, sur le port, du moins ce qu'il en reste face au Beirut International Exhibitions and Leisure Center.
Rue Trablos
www.soukeltayeb.com