Un matin que je feuillette le Bangkok Post, je tombe sur cet article qui annonce l'arrivée imminente au «Drinking tea eating rice» de l'hôtel Conrad du
chef japonais Satoshi Hata. (Passons sur le nom à rallonge passablement ridicule de l'établissement.)
S'il n'était que d'avertir du séjour dans la capitale de cette personnalité en charge de la section teppanyaki au Genji du Hilton d'Osaka, je ne ferai pas grand cas de cette information. Or, il
se trouve que ce chef hors pair n'est pas venu jouer les touristes mais qu'il est invité à résider dans ce grand hôtel pour y célébrer le temps d'une semaine son art très inspiré par la cuisine
française (son mille feuille de foie gras, sauce à la truffe fait encore beaucoup parler de lui).
L'occasion est donc trop bonne de goûter à cette cuisine réalisée en direct et sans filet de sécurité, face à quelques privilégiés ayant réservé de longue date un siège au comptoir.
Histoire de voir ce que notre chef a dans le ventre, je me lance dans le menu de la mer à 1000 baths, soit 20 euros, qui me semble la meilleure option pour le déjeuner.
Le carpaccio de la mer avec sa vinaigrette au yuzu est une bonne entrée en matière avec ses effluves marines, des produits d'une grande fraicheur et une saisissante présence iodée.
L'assiette, on ne peut plus fidèle à la thématique de la carte nous fait rentrer immédiatement dans le vif du sujet.
Les festivités se poursuivent avec la Caesar salad garnie de miettes de thon, sans réel intérêt et censée très probablement faire du coude et amuser les hommes d'affaire étrangers, soit une
entrée putassassière en tous points de vue dont l'omniprésence de l'indéfectible sauce Caesar peut être vécue comme un mini drame en soit.
La brochette de fruits de mer accompagnée d'un bol de riz succulent (très important, la qualité du riz, on minimise souvent l'influence et les conséquences que celle-ci peut avoir sur un plat,
aussi réussi soi-il) est correct (résistance de la chair des crevettes, fondant des coquilles Saint-Jacques craquant des légumes) mais prévisible et n'a pas vraiment de quoi nous arracher des
larmes.
A ce stade du repas qui atteint sa vitesse de croisière soignée, gentille, sans tremblement, on cherche en vain à débusquer ces influences françaises dans la cuisine de Satoshi Hata tant
revendiquées par ce dernier. Ce n'est certainement pas dans les maki de thon, certes excellents, et la soupe de miso rouge qu'on en trouvera la trace.
Le dessert sonne comme la dernière chance pour notre chef invité qui avec son cheese cake glacé faiblard et bâclé, saisi quelques secondes sur la plaque chauffante souligne définitivement sa
préférence pour les vertes prairies de l'Arkansas plutôt que celles de la Beauce.
Certes, la cuisine est loin d'être honteuse, le cadre magnifique et le service aux petits soins. Reste à voir Satoshi Hata à l'œuvre avec des compositions plus élaborés, nettement plus onéreuses,
cela va de soit. Il ne manquerait plus qu'avec ça je boude mon plaisir...
Conrad Bangkok
Drinking Tea Eating rice
87 Wireless Road
Phatumwan
http://conradhotels1.hilton.com/en/ch/hotels/dining.do?ctyhocn=BKKCICI&id=DIN4