C’est au cœur de Bushwick, dans le nord de Brooklyn. On sort à la station Morgan Avenue et c’est une succession d’entrepôts à proximité desquels stationnent quelquefois d’impressionnants trucks, de vrais monstres qui sont en réalité le contraire de la laideur.
Des rues larges et vides tout en horizontalité, de grands bâtiments à deux, trois étages caressés par les ombres comme le sont certains murs par la bombe inspirée du graffeur.
On ne s’étonne pas, plus tard, d’être attablé chez Roberta’s (oui, la devanture est loin d’inspirer confiance, c’est même un repoussoir en puissance qui n’est peut-être là que pour servir de filtre à gogos) en compagnie de trois photographes, l’un spécialisé dans le land art, les deux autres penchant pour le street art, chacun revendiquant ce quartier comme l’un de leur terrain de jeu favori.
A l’image du centre de Brooklyn gagné par gentrification frénétique, mais sur un rythme plus lent, plus cool (le pouvoir d‘achat des nouveaux arrivants est loin d‘égaler celui des colonies bobos qui ont conquis le cœur même de Brooklyn), ce quartier autrefois moribond (ce qu’il est encore sous certains aspects et c’est heureux) est un morceau de New York également en train de se métamorphoser.
Des lofts sont transformés en ateliers d’artistes, des entrepôts tombés en déshérence sont rachetés puis transformés en bar, en superette bio ou bien en restaurant, ce qui est le cas de Roberta’s, qui donne toute son identité au quartier, qui en est le centre névralgique et en est le meilleur ambassadeur, à l’image de sa cuisine simple (salades, vins naturels, époustouflantes pizzas au feu de bois à la pâte si aérée, boursouflée, tellement légère), de saison et bio (10% des légumes sont produits et récoltés sur les plates-bandes situées à l‘arrière cour du restaurant), et plutôt bon marché.
On peut encore y déjeuner ou diner au milieu d’un petit jardinet ou bien à l’intérieur, installé sur l’une des tables d’hôtes, en écoutant exclusivement de la bonne musique (la cuisine étant bio, il est tout naturel que la musique le soit également, on y pense jamais assez), par éxemple les White Stripes, mon groupe fétiche (et voisin, puisque d’Hoboken) Yo La Tengo, Pavement, un peu de soul et avant de partir, le gracieux «Coney Island Baby» de Lou Reed. «Oh, it was paradise», comme le murmurait plus qu’il ne le chantait l’ancien Velvet sur la chanson d’ouverture de son légendaire album Berlin.
Roberta’s
261 Moore St
Bushwick
Site: robertas.com
Station: Morgan avenue