Pour peu qu'on se penche sur un atlas, on réalise qu'à l'exception du libanais Noura, Paris ne compte aucune véritable pâtisserie orientale, étant donné que l'Orient (Syrie, Liban, Iran, Turquie...) n'est pas le Maghreb. Karim Khelifi et sa femme Anissa, le couple emblématique et inventif du Palais des Sultans, parle volontiers de «gâteaux maghrébins» plutôt que de «pâtisseries orientales», ce qui est peut-être moins aguicheur mais plus proche de la réalité et surtout plus juste.
Une fois ce malentendu rectifié, on est heureux de découvrir qu'en face des inespérés et très écolo jardins d'Eole (prairies fauchées à la main, récupération et stockage de feuilles pour en faire du compost, eaux de ruissellement rejetées dans le sous-sol et les zones plantées) et à proximité du centre d'art contemporain le Cent Quatre dont la superbe et rayonnante librairie le Merle Moqueur justifie à elle seule que l'on daigne accorder de l'intérêt à cet immense et glacial cercueil, a élu domicile la toute première pâtisserie spécialisée en gâteaux maghrébins (on y tient) de la capitale (c'était en 1990).
Parce qu'il refuse de jouer le jeu de la facilité en se faisant livrer des plateaux entiers de zelabias, dzriettes, et autres cornes de gazelle industrielles et sur-saturées en miel et en sucre, et qu'il s'applique à travailler, à régénérer les grands classiques de manière à les rendre moins caloriques, plus digestes et surtout autrement plus riches et complexes en saveurs ainsi qu'au niveau de la texture (j'en veux pour preuve ce makroud d'anthologie), tout en développant une gamme plus personnelle, ambitieuse et créative de pâtisseries tissant des passerelles entre le Maghreb et l'Europe et uniques dans leur genre; le Palais des Sultans s'est imposé comme la référence, à ce point que le couple est courtisé de toutes parts, les trois quart de son chiffre d'affaire étant réalisé grâce au secteur professionnel, hôtels de luxe, restaurants, salons de thé, ambassades, hammams ou bien grandes sociétés, si bien point qu'il devrait ouvrir à l'avenir et presque malgré eux une seconde adresse dans le 8ème, inch' allah.
On se presse donc des quatre coins de Paris pour emporter ou bien déguster sur place une ou plusieurs de ces pâtisseries traditionnelles légèrement corrigées mais surtout pour faire l'expérience et forcément se régaler parmi une vingtaine de ces créations à base de pâte d'amande atypiques, colorées et ravissante qui se déclinent en parfums et alliances les plus réjouissants et improbables tels tomate/piment, coquelicot/pavot, huile d'olive/romarin, pomme/aneth, violette (un clin d’œil à Toulouse ou Anissa a vu le jour), pamplemousse, banane, romarin, pistache etc... Si bien que chacun y trouve son compte, sinon son bonheur.
Le Palais des Sultans
38 rue d'Aubervilliers
75019 Paris
01 42 05 55 67