Coincé entre un Indiana Café et Prêt à Manger, la présence du Bat (entendez bar à tapas/tartare) relève presque du miracle dans un quartier sinistré où le quidam va à la mangeoire comme les bêtes à l'abattoir. Il aura fallu la bienveillance et peut-être une bonne dose de courage, voir d'inconscience à Yariv Berreby et une poignée d'autres transfuges du KGB de William Ledeuil (dont deux japonais) pour redonner des couleurs à un boulevard Montmartre aux abois.
Outre une grande salle haute et baignée de lumière naturelle alternant murs blancs, papier peint gris, et larges miroirs, ce qui séduit immédiatement lorsqu'on pousse la porte du Bat, c'est inévitablement le bar en U avec son îlot central où se concentre la brigade dont le moindre geste est ausculté puis enregistré par le gourmet en herbe. Cette interaction de chaque instant entre le geste du cuisinier et le cœur palpitant du client qui en est le prolongement sinon la terminaison, ce rapport frontal à la cuisine on les retrouve sans filtre dans l'assiette (bistrotière le midi, résolument tapas au dîner), laquelle est vive, instinctive et colorée.
En bon élève appliqué et émancipé de William Ledeuil, Yariv Berreby touche plutôt toujours que jamais à la grâce avec sa cuisine franche et spontanée comme ces pâtes Taglioni et crevettes grillées arrosées d'une sauce saté, relevée au piment et rafraîchie au citron vert qui sont comme une page arrachée à la Thaïlande, à sa cuisine de rue géniale et inventive.
C'est le grand écart, l'expérience du voyageur insatiable et instinctif qui parle une nouvelle fois avec les ravioli (plats, allongées et extra fins comme on les trouve en Asie du sud-est) fourrés aux épinards et fêta, nageant dans un euphorisant bouillon de parmesan.
Cuisson irréprochable pour le canard de Challans rôti aux airelles et cardamone (supplément de 2 €), sous l’œil averti d'un japonais au geste sûr, précis. Un bijou fondant à la surface bien saisie. Pareil pour l’échine de porc ibérique grillé, olive noir et chorizo arrosé d'un jus caramélisé et accompagné de navets croquants.
Profiteroles (une trilogie de choux légers et aériens façon Popelini) arrosés d'une crème Gianduja... On ne sort pas autrement du Bat qu'ébloui et dégrisé, peut-être même l'arme à l’œil, allez savoir.
15,50 € le plat et le café. 21 € entrée/plat ou plat/dessert. 24 € entrée/plat/dessert
Le Bat
16 bd Montmartre
75009 Paris
01 42 46 14 25
www.le-bat.com