L’automne est venu après une longue attente, qui s’est préparé comme en cachette de l’été. Les feuilles sont rentrées dans les arbres et des nuages tout blancs passent au dessus de nos têtes. Quelquefois, je leur préfère les avions, et les sillons qu’ils laissent dans le ciel. J’envie déjà ce bonheur qu’ont les arbres, au sortir de l’hiver, de sentir la sève remonter. En attendant, j’aime me réfugier dans les cantines japonaises ou les saisons ne semblent plus avoir de prises. Par exemple, dans cette grande salle d’aspect austère, c’est toutes les saisons à la fois, tous les jours en un. On n’y est plus esclave du temps; on l’a comme jeté par-dessus son épaule.
Une jolie serveuse en gris, collants bleu foncés. Pas grande mais pas petite non plus. Elle passe avec des grands yeux noirs brillants, déterminée à épuiser le chaud plaisir de la vie. Par mes grands yeux ouverts, cette merveille pénètre mais ne se fixe pas. Elle est en grande conversation avec une collègue à la tête petite, le nez un peu relevé du bout, avise les guyoza les dépose sur ma table, agit pareillement avec la soupe au bœuf épicé, pimentée en diable et c’est à peu près tout jusqu’à l’arrivée de Bertrand Tavernier auquel elle offre son plus beau sourire pendant que je l’associe dans mes pensées à ce printemps regretté, aux feuilles fraiches dépliées, aux bourgeons ouverts des grands marronniers.
C’est le chef Eric Briffard, qui m’avait un soir soufflé l’adresse. «En face de la caserne de pompiers, tu ne peux le manquer. C’est la seule adresse valable de la rue Sainte-Anne, excepté Bizan. J‘y ai mes habitudes depuis longtemps.»
Lai lai ken
7 rue Sainte-Anne
75001 Paris
Tel: 01 40 15 96 90