750 grammes
Tous nos blogs cuisine Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
30 novembre 2010 2 30 /11 /novembre /2010 19:20

Ami 1

A peine avions nous foulé le seuil de l’Ami jean, Yumiko et moi, que notre nouveau refuge nous semblait un paradis. Si nous n’avions pas encore cette décontraction et cette audace des oiseaux de vieux nid qui ne demandent qu’à déployer leurs ailes pour voler d’une traite jusqu’à leur abri, nous allions vite nous familiariser avec les lieux, son chef charismatique, son équipe attentive au-delà de toute attente et surtout sa cuisine virevoltante.

La magie, la spontanéité et le charme de Yumiko - qui sont toujours exempts de visée délibérément stratégique de sa part - allaient une nouvelle fois faire des miracles. Il aura suffi d’une poignée de paroles échangées entre deux feux ainsi que d’évoquer quelques connaissances communes pour que Stéphane Jego, ancien second d’Yves Camdeborde à la Régalade, aujourd’hui chef quasi statufié de l’Ami Jean, s’offre de nous composer un menu exclusif conçu au grès de son inspiration. Autant dire que nos yeux qui scintillaient la minute d‘avant, s‘enflammaient à la promesse de pénétrer d’un instant à l’autre dans quelque chose d’irrésistiblement grandiose, qui est le cœur de cette gastronomie élégante, profonde, et sensible, qui ferait reprendre goût à la vie à un désespéré.

Autour de nous, des grappes de japonais que je m‘amusais à dénombrer pendant que Yumiko grignotait joyeusement un peu de ce pain Poujauran qu’elle affectionne d‘autant plus qu‘il gravite à proximité d’un petit pot de fromage de brebis au cumin. C’est peut être à ce moment que je sentis ce basculement s’opérer, cette prise de conscience quasi inexplicable qui était Yumiko dans mon esprit intronisée parisienne - un basculement quasi imperceptible d’une identité à une autre.

19h30 était le premier service, une salle quasiment pleine (Yumiko avait pris soin de réserver un bon mois à l’avance). De temps à autres, un rire sonore jaillissait brusquement dans le restaurant et s’évanouissait en cascades qui roulaient aux quatre coins de l’espace. Pour ça, la bonne humeur, le bien être des gens et le plaisir qu’ils semblaient prendre ensemble à leur repas se matérialisait en ce gros nuage blanc comme la banquise qui flottait benoitement au dessus de nos têtes.

Ami-2--2-.JPG

La première entrée surprise nous prit de court puisqu‘elle arriva très vite après que nous nous soyons installés: royale de foie gras pour Yumiko, soupe de crustacés pour moi, que nous étions heureux de goûter chacun notre tour, ma préférence allant inévitablement pour la royale forte de ses larges morceaux de foie gras qui donnaient une saveur incomparable à la soupe.

Ami 3

La deuxième entrée était esthétiquement et gustativement très réussie puisqu’il s’agissait de Saint Jacques piquées au thym et joue de porc également au thym sur gressin à plat et râpé de pecorino. Stéphane Jego, en virtuose accompli, s’amusait avec les saveurs et tentait en direct et rien que pour nous de nouvelles expériences. On était estomaqué comme son équipe ultra appliquée et détendue commettait dans un espace aussi réduit que cette cuisine ouverte minuscule, de tels compositions qui sont la marque d’une technique d’une ample maitrise, d‘un respect profond pour le produit. Ainsi, les plats arrivaient sur notre table terriblement vivants, saisis dans l’instant, et le plaisir de Stéphane Jego était le notre.

Ami 4

Comme si le repas se devait d’être un eternel commencement, l’ultime entrée s’achevait sur un « échiquier de seiche et caviar de hareng fumé cuisiné façon risotto », également inexistant à la carte et qui avait l‘inconvénient de cumuler des ingrédients que j’exècre qui me plus qu’ils ne m’attirent, au contraire de Yumiko qui s’en régala.

Il eut été impensable de s’arrêter en si beau chemin, quand bien même notre appétit commençait à sensiblement décliner en même temps que notre excitation nous rendait littéralement euphoriques.

Ami 5

Comme plat, Yumiko hérita à sa grande joie du ris de veau accompagné d’une généreuse cassolette de pétoncles, quand pour ma part j’exultais en voyant atterrir sur la table une belle biche rôtie saignante à souhait, coiffée d’une magnifique tranche de foie gras et accompagnée d‘une purée de pomme de terre. A ce moment là, mon bonheur était à son comble. La saveur débordante de vitalité de la biche, la puissance de la chair pénétrait en moi à m’en donner le vertige, comme si j’eusse plongé la tête au plus profond d’une eau bleue.

A ce stade, il eut été raisonnable de passer la main et d’ignorer le dessert, seulement on ne dine pas chez l’Ami Jean comme on s’attable au restaurant en bas de l’immeuble. Sait on jamais, l’occasion ne se représentera peut-être pas d’y diner sous le regard attentif du chef et en si bonne compagnie, qui plus est. Aussi, préférai-je ne pas snober le riz au lait (réplique exacte et aussi délicieuse de celui dégusté Chez Michel, également servi dans un très grand bol et battu à la crème fouettée) à agrémenter selon son envie de pralines et de caramel au beurre salé - la tentation absolue.

Ami-6--2-.JPG

On avait alors emmagasiné suffisamment de bonheur pour affronter la nuit noire, la nuit glaciale et ces «grandes largeurs» qui intimidaient l’écrivain-marcheur Henri Calet, lesquelles lui donnaient «l’impression d’être à l’étranger, en transit seulement.»

Ami-7--2-.JPG 

 

L’Ami Jean

27 rue Malar

75007 Paris

Tel: 01 47 05 86 89

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

  • : Food'up ! Food'down !
  • : Chroniques gustatives.
  • Contact

Mes addresses

Le Pré Verre (Cuisine et vins d'auteurs), 8 rue Thénard, Paris 5è

Asian Wok (cuisine Thai avec un zeste de fusion), 63 rue Oberkampf, Paris 11è

El Mansour (Le couscous Marocain de la capitale sinon de l'héxagone), 7 rue de la Trémoille, Paris 8è
Croccante (Spécialités siciliennes, cuisine régionale à couper le souffle), 138 rue Vaugirad, Paris 15è 

Rechercher

Pages

Liens