Par la route, on est en un rien de temps à Ella, un petit village couvert de plantations de thé et posé au bord d'une faille splendide.
L'idéal, c'est d'avoir de l’appétit car on mange très bien à Ella, notamment des riz-curry accompagnés d'une bonne demi douzaine de petits plats comme le curry à l'ail et au clou de girofle, l'aubergine aigre-douce, la citrouille aux épices ou le curry de pomme de terre épicée.
Seulement, depuis quelques jours qu'on a perdu l’appétit et qu'on se nourrit exclusivement de bananes, de mangues et de curd (yaourt au lait de bufflonne agrémenté de kitul, de la sève de palmier à sucre), on est au regretndentirer une croix sur ces agapes dont les récits glanés en chemin nous avaient fort alléché. Cela dit, rien ne empêche de photographier et même de goûter du bout des lèvres quelques uns de ces petits plats dont une chinoise originaire de Xian semble se délecter.
Et de se rendre compte qu'en effet, ces légumes du jardin cultivés en terrasse dans l'immédiat périmètre et cuisinés non sans raffinement sont simplement exceptionnels.
L'ascension du Little Adam's pic n'est pas une maigre consolation, qu'on attaque en milieu de matinée après avoir traversé une plantation désertée par ses cueilleuses (et pour cause, c'est jour de fête). Le panorama est forcément superbe et on se tient sur un rocher un peu comme le personnage de Caspar David Friedrich, Le voyageur au dessus de la mer de nuage ou l'homme contemplant une mer de brume.
Cette après midi et le jour suivant, on écumera les plantations environnantes. On commence à connaître la chanson dont c'est inévitablement la même mais jamais le même refrain. Il est une plantation que j'aime tout particulièrement, c'est celle de Ratnagiri, que borde la voie ferrée.
Une petite route d'abord puis un chemin de terre pratiqué entre deux rangées de théiers et c'est la fuite superbe, de nouvelles promesses (ici, la rencontre avec la jeune fille au sourire, là, une éclaircie quasi miraculeuse qui révèle toute une section de théiers qui avaient échappé à notre regard jusque là, plus loin encore, la crête des montagnes surmontés de filets de nuages). Le calme qui règne dans cette plantation est grand.
Rien ne bouge et pourtant tout change. On dirait un tableau qui évolue, se métamorphose sous les variations de la lumière. Un tableau vivant.