Ça commence le matin, quand l'air est encore frais. On sèche un dernier verre de thé à la sauge et on décolle du piton rocheux sur lequel se tient en équilibre le village de Dana pour s'engouffrer dans la piste qui sillonne le canyon de wadi dana. L'objectif: gagner d'ici quelques heures l'Ecolodge du village de Feynan, situé aux avants postes du désert.
Au début, ça descend plus qu'on ne l'imaginait: par endroits c'est même très raide. Des oiseaux partent en trombe à notre approche, comme projeté depuis une catapulte. Des merles. Encourageant mais pas aussi impressionnant que les oiseaux de proie (principalement des aigles et des vautours) ou ne serait-ce que la grande mésange (surnommée l'oiseau Beethoven pour la beauté de son chant) qui au dire des habitants ont fait de la vallée leur terrain de jeu (et de chasse).
Chemin faisant, on a des pensées, comme de se croire dans un western, au fin fond Monument Valley. Pas même une heure de marche que l'imagination se met déjà en branle. Un moment on s'imagine même trappeur dans le Grand Nord. Là, il faudrait soustraire une bonne dizaine de degrés.
Tiens, un cabris, à moins que ce soit un bouquetin. Non, juste une illusion. Pour tout dire, les chats sauvages, les porcs-épics, les gazelles et les chats sauvages, on en voit pas l'ombre d'un poil. La réserve compte quantités de sentiers et plusieurs écosystèmes; on aura pas choisi le bon. Qu'à cela ne tienne, voilà de belles taches de vert qui se profilent. De la végétation ici tient du miracle. On se rapproche: c'est très sec et pas l'ombre d'une goutte d'eau.
Continuer d'avancer, tout droit, malgré la chaleur et quelquefois se reposer à l'ombre d'un renfoncement
dans la roche, là même ou les éleveurs abritent temporairement leurs troupeaux de chèvres. Et toujours devant soi l'étendue semi désertique, l'étendue plate à peine et caillouteuse flanquée de
petites dunes. Quelque chose en nous qui se réveille, qui s'agite, une soif: l'appel irrépressible du désert.
Après quelques heures de marche, on est pratiquement arrivé. La proximité avec le village de Feynan (quelques maisons de fortune en tôles ondulées, une école, un terrain de foot, une mosquée et puis c'est tout) se signale par un campement bédouin installé un bon kilomètre en amont. Sous un abri, se jeter sur un tapis et accepter le thé qu'on nous offre. Parler si peu avec les mots, beaucoup avec les mains.
L'Ecolodge est une sorte de mirage planté au milieu de nulle part. On goûte la fraîcheur de ses pièces
aux tons sables, on apprécie sa terrasse ombragée où on se fait servir une fattouch et un jus de citron
pressé à la menthe fraîche. Rien de plus, rien de moins. On savoure l'assiette autant que la vue. L'instant parfait.
Feynan Ecolodge
feynan.com