750 grammes
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20 décembre 2008 6 20 /12 /décembre /2008 14:53
























C'est en relisant  les dernières pages d'Eloge de l'ombre de Tanizaki qui s'achève sur la complexe et non moins alléchante recette des sushis aux feuilles de kaki que m'est venue l'envie de me replonger dans Le Gourmet Solitaire, la manga de Jirô Taniguchi. De telles choses ne s'éxpliquent pas. Après tout, la démarche du narrateur n'est pas si éloignée de la mienne, qui ponctue son éxistence d'une multitude de plaisirs minuscules glanés ci et là dans un nomiya (troquet), un conbini (supérette), dans un restaurant au bord de la mer, la cafétéria d'un parc tranquille ou bien dans un siège comfortable du Shinkansen. Pour ce gourmet également, l'acte de se substanter obeit à un rituel profond et quasi necessaire, animé par cette capacité de renouvellement et de curiosité dont la source semble intarrissable. De beignets de poulpe, en bol d'anguilles grillées, en passant par du porc sauté et au delà de la répetition absolue de la démarche qui agit comme un charme, c'est aussi l'air du bonheur qu'on semble repsirer au fil de ces pages que j'aime comparer à un ouroboros, autrement dit un zazen infini.




L'appêtit gagnant du terrain sur ma concentration jusqu'à l'emporter sur cette dernière, je lâchais l'ouvrage et me rendis rue Sainte-Anne ou j'entrais un peu par hasard chez Oki, réputé pour ses okonomiyaki (plat à base choux chinois et de farine de sarrasin nappé de sauce Okonomi et cuit sur plaque chauffante) qui propose une cuisine populaire correcte quoique trop fade à mon goût et manquant d'entrain. Je fréquente régulièrement cette addresse dont curieusement la cuisine m'importe peu en comparaison de la netteté et la précision "nordique" de son mobilier aux lignes claires et simples. Sensible à l'espace et à son interprêtation, je l'étais d'autant plus ce jour là que je venais de parcourir une seconde fois l'essai de Tanizaki qui oppose les mystères et les bienfaits de l'ombre orientale à la clarté et la brillance occidentale.
Aki, avec son dispositif lumineux qui consiste à baigner violemment ses deux salles dans une clarté qui en interdit tout mystère et profondeur (en vain en traquerez-vous l'ombre la plus fagaçe) se différencie par éxemple (bien qu'  également japonais) de son voisin Takara chez lequel les poches d'obsurités et les effets d'ombre sont partie intégrante du met dont il offre une nouvelle lecture. Aussi, le yôkan (pâtisserie à base de haricots rouges et d'agar-agar) servi dans le même plat laqué à la fois chez Aki et Takara, s'éxprimera-t-il plus volontiers chez ce dernier ou une fois immergé dans la lumière tempérée de l'établissement et de son plat "telle que l'on ait peine à en discerner la couleur, il n'en deviendra que plus propice à la contemplation. Et quand enfin vous portez à la bouche cette matière fraiche et lisse, vous sentez fondre sur la pointe de votre langue comme une parcelle de l'obscurité de la pièce, solidifiée en une masse sucrée, et ce yôkan somme toute insipide, vous lui trouvez une étrange profondeur qui en réhausse le goût."
Depuis Henri Alekan, immense directeur de la photographie (Les Portes de la Nuit, La Belle et la Bête) ou bien le réalisateur Jacques Tourneur (La Féline, Rendez-vous avec la Peur) lequel avec son complice Nicholas Musuraca provoquait la peur du spectateur en suggérant plus qu’en ne montrant et utilisait génialement les jeux d’ombre et de lumière pour susciter l’effroi, on sait l'importance de l'ombre dans l'art cinématographique et au delà du cinéma, dans chacun des arts y compris l'art culinaire car s'il est bien une cuisine plus que nulle autre qui fait subtilement et très intelligemment usage de la mise en scène et de l'éclairage, c'est la cuisine japonaise, d'une humanité attachante, à la fois dépouillee et d'une ironie très douce, simplement sublime.



Portrait de Tanizaki par Glaciar de Basura
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